mercredi 16 mars 2022

JE TE SAIS SI CLAIRE

Ma Claire

T’es trop forte. Pour tout un tas de raisons.

La première, le choix de ta journée de départ, le 8 mars, jour des droits de la femme, où tu l’as pris ce droit, de femme au repos, après avoir bien fait tous tes devoirs, de femme à l’ouvrage.

Tu as toujours été pour moi un exemple de femme, solide et vulnérable, fidèle et imprévisible, fiable et juvénile, une guerrière au corps et au cœur d’enfant. Une source de force, pour moi et indéniablement pour les personnes qui ont eu la chance de te pratiquer.

T’es une sacrée bonne femme. Tu as rendu honneur à tout ce qu’une femme peut accomplir et tenir à bout de bras sans jamais te plaindre, sans jamais lâcher l’affaire. Une femme dans toute sa splendeur, toi qui te pensais inachevée.

Je peux te dire que tu es complète, toutes les traces que tu laisses le confirment. Et tout ce qu’on nous impose de prouver pour incarner cette femme respectable et modélisée, tu l’as transformé à ta manière, bien au-delà des codes et des injonctions. T’es une amazone, on se l’est toujours dit, qui sait trouver l’essence de chaque petite chose, à ta mesure, à t’émerveiller pour une plante qui renait, à t’extasier sur un T-shirt Ninja pour le dressing débordant de poésie de Baptiste, à profiter de ton café face au lever du soleil alors même que le tien est en train de s’éteindre.

C’est là où tu es infiniment forte, à mes yeux. C’est tellement précieux et rare, dans ce monde insensé, où seules les grandes choses méritent les grands honneurs.

Tu as su honorer chacune sans mesurer les centimètres, et jouir pleinement du cadeau d’être en vie ; et j’ai aucun doute que tu continues à jouir de ta mort, dans ce nouveau monde obscur où beaucoup auront besoin de ta lumière.

Notre première rencontre remonte à 24 ans, au décès de ton père, là pas loin, qui veille et nous entend. J’ai dévalisé les pharmacies pour soigner ton chagrin avec tout un tas de trucs inutiles pendant que tu souffrais en silence, dignement, comme tu sais le faire. J’ai su à ce moment-là qu’on était unies pour la vie. Et au-delà.

Je peux même pas énumérer tout ce qu’on a traversé, partagé ensemble, des moments les plus futiles aux plus intenses : les rituels, les fêtes de famille, les vacances, les soirées pyjama devant Miss France, les jours de l’an à la raclette, les naissances, les deuils, nos peines les plus intimes, et toutes ces heures de conversations sms/Messenger/WhatsApp/Insta/téléphone.

On n’a jamais rien détérioré de ce lien, même ces 3 dernières années, surtout ces 3 dernières années, où chaque occasion était bonne pour se retrouver n’importe où, quel que soit notre état mutuel : à parcourir des kilomètres en Uber à 100€ pour manger des gougères, toi dans le canapé et nous en train de danser devant la Wii avec des lunettes clignotantes affreuses, à élaborer des pique-niques de luxe au Parc d’à côté au moindre rayon de soleil, à enchainer des bus blindés pour ambiancer le 9ème étage de l’hôpital à coup de guirlandes cœurs et de ballons bouches, à faire des kilomètres avec Porto Vecchio dans les enceintes comme des midinettes, à prendre des trains avec à peine la force de déplacer les valises pour faire des barbecues en bord de mer ou des Noëls au coin du feu, jusqu’au dernier. À nous emballer avec tes délires gastronomiques que tu pouvais à peine goûter tout en te réjouissant de les préparer.

Tu t’es réjouie jusqu’au bout, tu as toujours eu ce don de la réjouissance, avec ton rire éclatant et tes expressions improbables et tordantes.

Et j’ai toujours été fascinée par cette candeur, cet enthousiasme, à toute épreuve, intactes en toi quelles que soient les circonstances, vraiment fascinée. Et admirative. 

Ton corps a arrêté de grandir à un moment, il avait ses raisons, mais ton cœur et ton âme jamais. Quel bonheur d’être à ton contact et de faire partie de ta vie, pour moi, pour nos enfants, sans aucun doute pour nous tous ici, et sans aucun doute pour tous ceux que tu vas retrouver maintenant, ailleurs.

Ton timing insupportable, ton appart médaille d’or de bordel, tes silences insondables, tes choix incompréhensibles, tes hésitations « tu sais tu sais pas tu viens tu viens pas tu te lèves tu te lèves pas », j’ai appris à aimer tout ça, à t’apprivoiser, à évoluer sur ma manière d’aimer vraiment quelqu’un en renonçant totalement à changer un millimètre de son être. Et à comprendre rapidement que, dans ton cœur, tout était si pur, si bien rangé, si clair.

J’ai appris à aimer tes enfants chaque jour d’avantage, que je connais par cœur au contact des miens, et sur lesquels je te jure de continuer à veiller.

Tu n’as jamais été ma belle-sœur tu le sais, tu as été ma sœur, ma confidente, mon amie, j’aurais fait n’importe quoi pour toi Claire, d’ailleurs j’ai fait n’importe quoi, comme je sais si bien le faire parfois, et réciproquement. On s’est tout dit, tout, sans tabou ni pincettes, on a déterré nos secrets les plus enfouis, les plus arides, les plus inavouables. Sans aucun jugement, jamais. Tu as toujours su accueillir l’autre, même dans ses silences et ses voltefaces, même quand tes besoins n’étaient pas satisfaits, même quand tu te sentais incomprise et jugée, tu savais rester digne, avec ce recul des grandes dames.

Cette liberté de parole et cette confiance inconditionnelles restent gravées, et je continue à marcher dans leur empreinte.

Bien-sûr tu me manques déjà, affreusement, parce que ma culture en gastronomie va décliner, parce que mettre le feu à Beaujon avec les internes sur Julien doré et dévaster le Lao du 13ème sera beaucoup moins fun sans toi. Mais tu sais qu’on va continuer à cultiver cette joie de pleine jouissance de la vie, et que tu seras invitée à chaque fois. Tu seras là, à notre table, avec Bobi, avec Nelly, avec toute cette lignée de femmes magnifiques qui ne supportent visiblement pas la séparation.

Et on continuera à contaminer la planète avec cette générosité, cette bonté d’âme, ce goût de respirer que vous nous avez transmis.

On est là, la team reste dans la place : ta sublime descendance, ta Sani qui est en train de devenir une femme forte et autonome, ton Baptisto doux et perché dans sa galaxie pleine de musique et de personnages animés, ma Mara la femme de ma vie, mon Orso l’homme de ma vie, et tous les autres, on va continuer le boulot que tu as largement commencé, compte sur nous.

Je te laisse Claire, notre conversation reste de toute façon ininterrompue, pour l’éternité, toi-même tu sais. Et stp, regarde-toi dans un miroir là où tu es, au pire dans une étoile, regarde-toi droit dans les yeux et fais-moi plaisir, dis-toi BRAVO.

Parce qu’ici, on est nombreux à te le dire.

Merci. Je t’aime.

Un dernier un truc : entraine-toi pour les gougères, les tiennes sont vraiment trop plates, c’est sacré les gougères dans la famille, et on aura méga faim quand on se retrouvera.


💞 👭 💞

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CHAGR[A]IN D'AMOUR 💝

Rien de plus vrai Rien de plus pur Rien de plus précieux Ne confirme la puissance d'un Amour Que le Chagrin d'Amour Qui lui succède....

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