jeudi 22 décembre 2022

LE GOÛT DU NOUVEAU MONDE

Bonjour
Ce matin je me lève
Avec l’envie de t’écrire
Cela fait bien longtemps d’ailleurs
Que je n’ai pas pris de nouvelles
Tu t’organises toujours pour me visiter
En rêve
Alors que je ne t’attends pas
Que je ne suis ni prête ni chaussée
Alors que je voyage dans mes sueurs d’oreillers
Tu débarques et tu t’imposes
En bien et parfois en terrible
Tu reviens
Quelques secondes
Mais le message reste opaque bien souvent
Et mes chaussures me manquent 

Alors
Ce matin
Je te le demande
Et ma question me brûle
Quel temps fait-il sous ton drapeau ? 
Comment te portes-tu ? 
Est-ce que tu penses à moi ? 
Est-ce que tu peux penser à moi ? 
Est-ce possible là-bas ? 
Je ne vois pas bien les possibles de ton monde
Ni ce que tu en fais
Tu dois me raconter un peu
Pour que je dorme un peu
Trop de mystère et de manque à ranger dans le tiroir
Le tiroir trop plein ce matin
Et le cœur bien vide
Je te le demande à nouveau
Quel temps fait-il sous ton drapeau ? 
Est-ce que tu y vois plus clair ? 
Est-ce que la mer est bonne ? 
Est-ce que la mer est bonne avec toi ? 
Peut-être un peu trop large
À mon goût 

J’ai tenté le voyage une fois
Pour venir te parler
Saloperie de voyage
Il était trop tard
Tes placards vides me l’ont appris
J’étais cordialement prévenue
Mais mal préparée vois-tu
Ton départ
À cet instant
Sentait encore ta chair
Au parfum de synthèse
Celui de la dernière fois
Du dernier rendez-vous
Chaque dernier rendez-vous porte son propre parfum
Insoutenable
Massif
Privé d’avenir
Et il ne s’efface pas

Si j’avais pu mesurer
Je me revois posée
Comme une valise ouverte
Dans ce ballet d’aéroport
Étourdie et inutile
Si j’avais pu mesurer
À quel point tu me manquerais
Je me serais bien gardée de te le dire
On ne mesure pas dans ces conditions
La bouche parle malgré tout et puis
Un jour
On mesure
Je mesure beaucoup depuis 
Et la route qui nous sépare n’en finit plus de t’effacer
Chaque matin tu fonds d’avantage
Et chaque matin je mesure d’avantage
Bien-sûr qu’à ma place beaucoup pleureraient
La distance reste incompressible
Et rend nerveux
Mais
À vrai dire
Pour te parler franchement
Ce sont d’autres affaires pour l’instant
Qui m’arrachent les larmes
Des affaires moins mortes
Et à une distance plus compliquée à fuir
Tu comprends ? 

Certains jours
Tu déambules sur le trottoir d’en face 
Comme un enfant barbu et hébété
Tétant son premier Kébab 
Et je ne peux que rire
Sérieusement
Ça ne fait pas pleurer
Tu étais si beau 
Si beau
À pleurer cette fois
Et si chaud encore
Sous ta peau

On ne mesure pas dans ces conditions
Le kébab change de goût à présent et ça
On le mesure
Ma fille en raffole mais sans les oignons
Et elle n’a pas de barbe
Tu lui manques
Je dois te le dire pour que tu ne t’imagines pas des choses
Dans ton monde
On s’imagine sûrement ce qui arrange
Mais ici
On s’arrange difficilement
Et on ne s’imagine pas beaucoup
Le réel ordonne
Et oui aussi
Je t’aime
Si j’avais mesuré combien dans ce parfum d’aéroport
Je me serais bien gardée de te le taire
Mais on ne mesure pas dans ces conditions
Je t’aime
Dans la colère et l’évidence
Je t’aime en silence 
À Paris et ailleurs
Comme un mystère emballé de ruban tiède
Ce sera ton cadeau de retrouvailles
On ne fait pas un si long voyage les mains vides
Et je serai chaussée
Cette fois

Mais il te faudra attendre encore
Très longtemps en vérité
Ma valise et moi sommes en chantier
Beaucoup d’affaires à régler ici avant
Si tu permets

Quoiqu’il en soit
Tu t’épuises à nager
Dans le bleu éternel
Ni chaud ni froid
À ce que j’imagine
Un peu salé ton nouveau monde
Non ? 

Dis-moi
Papa
As-tu enfin
Retrouvé les saumons ?


🤍🤍🤍

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CHAGR[A]IN D'AMOUR 💝

Rien de plus vrai Rien de plus pur Rien de plus précieux Ne confirme la puissance d'un Amour Que le Chagrin d'Amour Qui lui succède....

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